Quelques pas au Togo

Ce reportage constitue mes premiers pas en photographie.
Il a ses limites, possède une certaine naïveté, mais je reste nostalgique de ces débuts…
La première partie est une animation flash, il vous faudra donc activer flash player.

Région des plateaux, frontière Ghanéenne: visite en territoire Ewé au hasard des découvertes.
Une culture riche, un peuple accueillant, le sourire de l’Afrique saura vous ré-apprendre à  vivre, le temps d’une bouffée d’air chaud.

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PREMIER RECIT TOGOLAIS

 

Bonsoir !

Si tu reçois cette lettre c’est que tu es dans la liste très VIP des gens à qui j’écrirai depuis le Togo. Super, quelle chance ! Et oui tu te sens maintenant flatté jusqu’à la moelle et vibre sous chacune de ces petites billes de bonheur traversant ta colonne vertébrale. Mais bon, il faut te ressaisir, et écouter, lire, vivre, sentir, ressentir la suite de ce courrier ! Le Togo ne se dit pas avec des mots, il faudra faire travailler ta boite à imagination et te lancer sur ce train étrange avec moi.

Ah oui, tu seras peut-être surpris ou surprise.
« Quoi, il est en Afrique ce gugus ? C’est bien lui ? »
Tout le monde n’ayant pas accès aux mêmes données concernant ma situation actuelle, je vais reprendre du début pour les oubliés de l’année.

Faisons bien, faisons court, non pas à l’Africaine. Cette année marquant la reprise de mes études, suivie d’une grève étudiante aussi colossale qu’égoïste, me voici en à terminer des études en protection de l’environnement mention « Animateur Agri-Environnement » à Metz. Metz, ca fait pas rêver du tout. Le Togo par contre ça fait rêver. Le Togo, c’est mon stage. Non, c’est aussi un pays entre le Ghana et le Bénin, soit entre la Côte d’Ivoire et le Cameroun, ou bien entre le Burkina et … l’océan, et entre nous c’est pas bien grand. Je suis sur place pour quelques mois et une pincée de jours afin de participer aux activités d’une ONG sur le terrain.

Justement voilà une vue du terrain: la région des plateaux, ici depuis le mont Kloto.

Pour expliquer en quoi consiste ma mission, il faut prendre l’histoire par les racines. Il y a eu une guerre que l’Allemagne perdit. Il y a eu le Togo, Colonie Allemande. La France et l’Angleterre ne voulaient pas vraiment reprendre ce territoire, ni le laisser aux Allemands. On en coupe donc des petits bouts, on en donne au Ghana, au Bénin sous tutelle de la France, puis on en rend une fine bande aux Togolais. Du coup, on appel ce pays le « sourire de l’Afrique ». Prospère à cette époque, le Togo sera également dénommé « la Suisse Africaine ». Mais là, l’indépendance tombe en 1960, et n’étant qu’un pays sous tutelle le Togo ne bénéficie pas du protectorat Français. La situation se dégrade alors petit à petit. Aujourd’hui, les Togolais ne croient plus en leurs politiques… qui le leur rendent bien. Beaucoup d’argent gaspillé, détourné, un fort désintéressement des grands hommes pour les populations rurales, bref un peuple boudé lui même boudant les boudeurs. Les uns sont riches, les autres pauvres, cherchant l’autosuffisance les familles se tournent vers l’agriculture. En effet la terre fertile offre encore un peu de tendresse à ses enfants, leur permettant de nourrir chacun. Mais voilà, les techniques s’intensifient, les besoins augmentent, la terre se dégrade, tout comme les eaux, les êtres, la vie. Pour accompagner les producteurs, il existe bien des chambres d’agricultures… toutes en pannes telles des cadavres de bateaux rouillés en mer Baltique. Jamais ou presque un paysan n’a vu l’ombre d’un technicien, ni même d’un Yéti, d’un Dahu, Mammouth, Loutre ou encore Martien. Pourtant le peuple n’est pas aveugle et a parfaitement vu qu’il se dirigeait dans le mur, comme quoi les murs sont plus fréquents que les Martiens et les techniciens agronomes, ou plus simples à distinguer. C’est pourquoi les Togolais ont commencés à s’organiser au travers d’associations pour l’environnement. Boudées par l’état, elles ne reçoivent aucune subvention, survivants par le courage de leurs exécutants ou quelques maigres fonds Européens pour les plus tenaces.

 

Une vue du Ghana. Vous me direz y’a pas forcément grande différence avec le Togo… c’est normal c’est à peu près pareil. En plus la photo est prise pile sur la frontière… ça aide pas.

AVES Togo, Association des Volontaires pour l’Environnement Sain au Togo, est l’une d’entre elles, et Selom Agbavito son vaillant directeur exécutif. Il a étudié les lettres, vénère le dieu saucisson, mesure 1m65, et vit à Kpalimé au siège de l’association, avec des frères vaillants, avec des sœurs vaillantes, des volontaires vaillants, et de vaillants stagiaires comme moi. Oui, ici tout le monde est vaillant mais c’est une autre histoire. Durant mon stage mon rôle sera de m’intégrer à certains villages plus ou moins isolés, éduquer les enfants sur la biodiversité, diagnostiquer l’état des pratiques paysannes, accompagner les agriculteurs et arboriculteurs, les sensibiliser à l’environnement, participer à des programmes de replantation d’essences forestières, tout ça tout ça. Je devrais aussi manger des manges magiques, des ananas sensationnels, et des avocats gratuits. (Tout le monde sait ce que coute un avocat en France … surtout en cas de divorce. Ben au Togo c’est pas les mêmes, et ils sont moins durs). Je devrais surtout dormir à même le sol, supporter 40°, slalomer entre les moustiques, apprendre l’éwé, prier pour que vienne la saison des pluies, tout ça tout ça …
Je m’étendrais sur ces vaillantes activités plus tard, sinon j’aurais plus rien à dire et ce serait vaillamment moche.

 

N’ayant pas de photo de moi slalomant entre les moustiques, je vous ressert le Ghana sous un début de soirée.

Mais, comme dans toute aventure épique parfumée d’exotisme et d’humanisme Tutti Fruti, il y à une femme. Armony. Oui c’est comme ca qu’on l’appelle. Pas plus de jeu de mot futile autour du prénom, ce serait se vautrer dans la facilitée et la routine, je ferais donc l’eunuque, je m’abstiens par obligation. Le seul commentaire valable sur son nom prend cette forme: « à la fois piquant et sucré, la promesse d’un équilibre … une douce chaleur émane à chaque prononciation réchauffant oreilles et cœur ». Si avec ca si tu vois pas, je peux pas t’éclairer davantage, désolé.

Bref, nous partîmes donc de Lyon, ma fidèle compagnon et moi, rugissant d’impatience un beau soir d’avril. Tels Belle et Sébastien nous étions seuls et perdus, elle en Sébastien mais plutôt belle, moi comme Belle suivant Sébastien. Tu suis ? Bon disons qu’il s’agit d’une très bonne amie de classe et qu’on à tenté le même stage. On se lance donc à 2 dans l’obscurantisme culturel Africain fuyants nos villes prosaïques vomissantes de cette pléthore de pécores qui ignorent leur propre existence devant une boite à connerie câblée et satellisée. Respire, , , , , je sens que tu as mieux compris.

Donc. Une journée tous frais payés à Casablanca pour cause de report d’avion, et nous voilà à Lomé, capitale du Togo, aux alentours de minuit. Chaleur étouffante, accueil tout aussi chaleureux et, heureusement moins étouffant, une nuit sur place et vroum, entassés dans un « taxi » au petit matin, direction Kpalimé, quartier Tsivé !

 

Kpalimé

La plaine de Kpalimé vue des sommets.

Ensuite…

Oulà mon clavier se durcit, les mots protestent. Hein, il se passe quoi ? Des revendications syndicales ? Mon matériel me transmet un préavis de grève et mon Français manifeste. Ici on appel ça courant instable et fatigue à bâbord. Très bien, quelques jours de congés pour eux, je ne veux pas passer pour un mauvais patron. Alors la suite au prochain épisode après le plan de restructuration. Les premiers jours au Togo, le peuple, l’accueil, Kpalimé, l’ONG, les villages … mais j’en ai trop dit !

 

A bientôt,

Sylvain.

AU PAYS DES PIEDS PROPRES

 

Tout semble rentré dans l’ordre, je peux donc continuer.

Il faut bien le dire, les Togolais sont des gens très accueillants. Ils ont cet art de laver les pieds des voyageurs pour leur souhaiter bonne arrivée. Oui mais voilà, l’alcool de palmier est passé par là, et c’est maintenant avec ce « Togo Gin » qu’on lave les pieds des voyageurs, en commençant par leur estomac… et ça attaque, surtout par 40°c. Pourquoi ce nom ? Simplement parce qu’ils utilisent des cadavres de bouteilles de Gin pour nous abreuver avec ce que les vieux palmiers ivres ont à offrir de leur cœur sucré.

Et hop un petit verre de Sodabi pour notre ami Benji.

C’est à Kpalimé (ne prononce pas le K) que nous avons donc lavé nos premiers pieds. Beaucoup ont suivis, on doit ressembler à des mille-pattes avec un pied toujours sale aux yeux des Togolais, sinon je n’explique pas cet engouement pour le Togo Gin.
Kpalimé est l’une des plus grandes villes du Togo située en région des plateaux. La région des plateaux est avant tout … une région de plateaux, donc de relief tu l’auras compris. Le climat y est beaucoup plus frais et moins étouffant qu’à Lomé. Par « frais » comprend qu’on ne dépasse jamais les 40°c et qu’on peut descendre à 20°c, voir 14-15°c la nuit dans les montagnes. Le peuple y parle éwé. Cette région est très agricole, ici poussent cacao, café, mangues, ananas, avocats bananes, maïs, divers produits maraichers, de l’igname, des oranges amères … des tas de choses en bref.
Kpalimé est beaucoup moins développée que Lomé et ressemble plus à un gros village. La ville étant assez étendue, et mon quartier assez loin, il faut se déplacer le plus souvent en Moto-taxi Chinoise, parfois à 3 sur la même machine, histoire de profiter du vent et d’économiser nos milles pattes plus sales les unes que les autres. Cependant, même quant on vient en moto, impossible de couper au lavage de pied. Va savoir…
Le centre ville est peint d’un marché permanent regorgeant de productions locales et d’artisanat. T’es blancs, donc t’es riches, pour autant personne ne te harcèleras pour vendre quoi que ce soit, et à quelques exceptions près tu bénéficies des mêmes prix que les autres. A Kpalimé, on est comme chez soit. On se sent même plus en sécurité que dans la plupart des grandes villes Européennes. Ici les gens sont bienveillants, très respectueux, le vol et la délinquance sont très mal vus et vraiment pris au sérieux par les familles, donc presque inexistants.

Tu es Yovo. C’est le premier mot que l’on apprend sur place, pas possible d’y couper, ou alors c’est que tu n’as croisé aucun gamin ce qui paraitrait surnaturel. Du léger « Yovo yovo bonsoaaaar, au multiple « YOVO YOVO BONSOAAAR » collectif, sans oublier le timide « Yovo yovo bonsoar » lancé en catimini de loin, tu es en ce lieu pour les petits Togolais ce que Mickey est à EuroDisney: une attraction incontournable. Et puis il y a ce mystère niché dans la bouche des enfant que je n’ai pas encore réussit à percer: le Yovo c’est comme les lunettes chez Afleulou, ou encore les écouteurs, les factures, les jumeaux, les pieds, ca va toujours par deux. Si tu entends un seul Yovo, c’est que tu es sourd ou que le môme s’est étranglé. Ah oui au fait, Yovo ca veut tout simplement dire homme blanc.

Miawézon yovo, bonne arrivée homme blanc.

Yovo Yovo bonsoir !

Il semblerait que je sois repéré !

 

J’aimerais maintenant aborder l’un de nos plus grands combats: la conquête du Cybercafé.
Écoute bien, ou plutôt lis bien, car cette histoire est celle de héros ordinaires, de branchés parmi les déconnectés, l’histoire de ceux pour qui communiquer avec un clavier est une religion qu’ils se refusent à renier, même au fin fond de la brousse.

Il est à notre époque quelques aventures épiques, parfois au coin de la rue, et celle qui ne déroge pas à la règle est bien la conquête du cybercafé ! En leurs temps les premiers peuples migraient pour rejoindre l’Europe et l’Asie, les croisées partaient l’assaut de Jérusalem, et Napoléon se risqua à la Russie. Notre périple régulier est tout aussi singulier et surtout pas plus facile: conquérir un cybercafé et glaner quelques précieuses minutes de connexion internet, minerais dont le Togo n’est pas riche du tout.

Armés de nos PC, d’un sac à dos, de quelques pièces, et de potion magique, nous sommes parfaitement armés pour le voyage, prêts à défier les crocs affutés et l’haleine poussiéreuse de la sauvage Kpalimé. En guise de première étape, le domptage des moto-taxi est plutôt aisé. Ce qui l’est moins c’est de garder l’équilibre avec un sac plein de PC sur le dos. Mais ce rodéo n’est encore qu’une formalité pour les aventuriers surentrainés que nous sommes. La première réelle difficulté consiste à trouver un cybercafé acceptant les ordinateurs portables extérieurs. La seconde, bien plus délicate, est d’en trouver un qui soit ouvert, car en ces contrées où le temps est plus relatif que jamais, les horaires peuvent parfois prendre des tournures étranges et se fondre dans l’espace-temps, ou encore se perdre dans les méandres sans fin des esprits Africains. Tenaces, il nous arrive parfois de trouver un lieu saint apte à nous accueillir et de pouvoir y installer nos quartiers. Mais voilà, c’est là que notre plus grand ennemi se dévoile enfin, ultime rempart à notre ascension vers le World Wide Web. Cette chose étrange que nous connaissons peu nous apparaît généralement sous la forme d’une coupure: coupure de connexion, et coupure de courant. L’esprit perfide apprécie particulièrement la coupure de courant au moment ou se lancent nos PC, engloutissant tous nos espoirs dans l’obscurantisme du système électrique Togolais. Les dieux ici sont cruels avec la naïveté des blancs.

Maintes fois nous avons dû rebrousser chemin et rentrer bredouilles, assoiffés de connexion et agonisants sous le soleil torride du sourire Africain. A de très rares occasions, nous sommes parvenus à nous connecter, mais la victoire prend alors le goût très amère du très très bas débit, ce qui, au moins, nous laisse le temps de nous remettre un peu de nos émotions et de souffler jusqu’à… la prochaine coupure.

Allons, l’ennemi semble à nos portes, à la prochaine l’ami !

Sylvain

 Quand la cuisine se transforme en feu d’artifice !

QUAND LA COKE A COLA DEVIENT AMBROISIE

Un petit « firefinch » du Sénégal, mais ici au Togo. Cette photo ne sert à rien de particulier mais il me venait l’envie de vous montrer un oiseau rouge. C’est chose faite (ça va mieux)

Me revoilà l’ami !

Les jours passent, passent, et passent encore. Je sais je l’ai dit trois fois, ce n’est pas un rituel, c’est juste pour insister. Je pense qu’un Africain qui vit 50 ans en vit en réalité 100. Ici les activités quotidiennes suivent un rythme calme et rassurant, à tel point qu’on ne distingue plus le travail des vacances et des corvées. La vie forme un tout, un ensemble homogène digérant toutes nos notions Européennes et nous offrant un peu de son essence pour en faire notre parfum d’existence. Des fragrances de bois mouillé, de terre retournée, d’orange et de verdure, et surtout partout cette odeur de soleil. Le rythme Africain m’a laissé tout le temps nécessaire pour savoir de quoi je vais te parler, et je me suis dit qu’il serait grand temps d’aborder un peu plus de l’AVES Togo et de sa vaillante famille.

Je t’ai déjà expliqué pourquoi AVES Togo existe, je vais maintenant approcher sa façon d’exister.
Ici on fait divers projets: de la protection de l’environnement, de la vulgarisation agricole, de l’éducation, de la prévention Sida, du développement touristique, bref un peu de tout. L’association survie grâce aux financements des stagiaires et volontaires. On paie 250 à 300€ par mois, la moitié couvre les frais de logement, nourriture, déplacement… et l’autre moitié permet le fonctionnement de l’AVES. Selom Agbavito, directeur exécutif, est celui qui nous accueille et définis nos missions. L’autre directeur, le grand chef, finis des études à Marseille, je ne le connais pas. L’association est une grande famille. Jacqueline, Lycéenne de 26 ans et sœur de Selom, est la « maman » de l’association. Elle s’occupe un peu de tout: faire à manger, divers travaux ménagers, accompagnement des nouveaux Yovo vers la vie Togolaise. Daniel, « Stagiaire » de l’association, l’aide dans la plupart des tâches et nous aussi bien entendu. Autour de ces 3 là plusieurs « animateurs » nous accompagnent dans nos projets. Ils peuvent servir d’interprètes, nous aident dans notre travail ou tout simplement dans les tâches quotidiennes. Ils ne vivent pas à l’AVES Togo mais viennent très souvent nous rendre visite. Des visites nous en recevons d’ailleurs de nombreuses, une maman par-ci, un cousin par là, quelques amis, d’autres directeurs d’ONG… la maison est toujours très vivante et respire la convivialité.

Ça, c’est pour le week-end. La semaine nous logeons dans les villages sur lesquels nous travaillons, accueillis par leurs habitants, souvent de la famille de Selom ou d’un autre membre de l’AVES. Nous vivons donc avec eux, et surtout comme eux. Sur place un animateur nous accompagne, nous guide, et surtout nous présente à tous les notables du village. On trouve également dans ces villages une personne ressource, un « parrain », qui est le bras droit de l’association, le lien avec les habitants. Voilà comment, globalement, fonctionne notre stage.

Une fillette aux yeux d’amande

Les femmes de Dzédramé, et la 3ème en partant de la gauche: Delphine notre maman Togolaise ! Une femme formidable (et reine-mère en plus)

Sinon, j’ai fait une découverte sensationnelle. L’ambroisie existe ami. Non pas la plante mais la nourriture des dieux, ou peut-être leur boisson peu importe. Que vous soyez sur une chaise ou un tabouret importe peu pourvu que vos fesses soient assises. Elle est américaine (pas la chaise, pas les fesses, l’ambroisie), elle est capitaliste, et elle est anti-diététique. Mais les dieux n’avaient-ils pas le droit d’êtres gros, riches, et terriblement avares ? Puisque nous avons conçu dieu à notre image cela ne m’étonnerait guère. La Coke à Cola aussi fut crée à notre image. Telle un serpent, ou plutôt telle un rat débarquant du bateau, elle à su coloniser tous les coins et recoins de la planète, les plus pauvres comme les plus isolés, s’immiscent dans nos panneaux publicitaires, nos bourses, nos soirées, notre vie.

Oui mais voilà, la vie prend parfois une tournure étrange au point d’embrasser son ennemi, de l’aimer, le chérir, l’acclamer, le désirer, et même en rêver certaines nuits. Oui, la girouette existe, oui la girouette s’affole même si le vent ici aime rester timide. Point de crime pédérastique comme dirait Brassens, simplement la naissance d’une passion acide et dévorante.

Laisse-moi donc t’expliquer. Je te dirais bien de fermer les yeux, mais ils risquent de t’être plus utiles ouverts que clos car c’est bien une lettre que tu lis. Tu peux quand même te mettre en condition: 4 pulls, une petite pièce fenêtre fermée, chauffage à fond, 5 lampes UV. Rajoute quelques peintures Africaines au mur, une odeur de chèvre, quelques kilos de poussière bien rouge, un brouhaha en éwé et une poignée de Francs CFA dans la poche. Te voilà prêt. Je te préviens que je me refuse de porter la responsabilité de ce qui t’arrivera, ou de ce qui t’es peut-être déjà arrivé. Si tu te sens pris de vertiges, baisse le chauffage et enlève un pull ou deux. Si tu n’en as plus la force, c’est trop tard, crie. Mais bon, puisque tu sembles encore avec moi et que ces quelques lettres défilent toujours devant tes yeux, ne tardons plus.

Je te laisse seul dans la rue accompagné de quelques notes, celles de ma voix. Tu es au centre de Kpalimé. Tu marches lentement le long de cette rue monotone en terre orangée. De chaque côté des petites échoppes te proposent Mangues, Coco, pâtes, sardines séchées, savons, pagnes, mais les vendeuses ne sont pas encore là, tout est désert. Tu continues toujours à marcher, il n’est que 11h et le soleil est déjà haut, très haut, et chaud, très chaud. Il fait 40°c et tu marches depuis 1h dans cette rue surexposée au milieu de la poussière et des odeurs de poisson séché. Tu as bien dû transpirer 1 litre ou 2. Petit à petit les gens apparaissent. D’abord une vendeuse derrière chaque comptoir qui tente de te vendre ses produits du jour dans une langue que tu ne comprends pas. Puis des passants, 2, puis 10, puis 100. La rue grouille maintenant de Togolais et le volume monte progressivement, les gens discutent, crient, les motos-taxi klaxonnent, et au milieu de ce joyeux bordel qui bourdonne à tes oreilles, quelques mots de Français. C’est ton ami, un ami, choisis celui que tu veux. Il marche avec toi et vous discutez de ce remue-ménage qui perturbe vos sens. Cela fait maintenant 2h que vous marchez, toujours en plein soleil, toujours 40°c, la maison est encore loin.

C’est là le point décisif, le tournant de l’histoire, le dénouement de la bataille. Ton ami, assoiffé, te propose d’aller boire un verre. Roulements de tambour, trompettes, éclairs à l’horizon, il est évident que dans cette situation, tu ne peux refuser. Après vous être précipités au premier bar sur votre chemin il t’offre une Coke à Cola fraiche tout juste sortie du congélateur-frigo. Tu l’observes, elle t’attend, elle aussi transpire à l’idée de te rencontrer et tout son être intérieur vibre de petites pastilles acidulées. La sensualité incarnée.
Enlève tes pulls, coupe le chauffage, ouvre la fenêtre, jette toi un grand seau d’eau glacée et déguste ta glace préférée. La drogue est passée, et elle est 1000 fois meilleure que nulle part ailleurs. Rien à rajouter.

La cascade. Je t’avais promis une cascade, je te servirais donc une cascade, mais pas maintenant. Oui je me suis dit qu’elle n’était pas encore assez fraiche, je t’apporte ça pour la prochaine fois avec, en plus, quelques glaçons, c’est juré.

En attendant je bois à ta santé te laissant deviner quoi …

Sylvain

Une cascade ! Une cascade !

MARTINE A LA FERME

 

J’habite en semaine un petit village non loin de Kpalimé, environ 20 minutes en moto. Son nom est Agripatodzi, qui s’écrit aussi Agripatodji, le plus difficile est de se mettre d’accord, mais ici tout le monde s’en fiche. Nous vivons avec Armony en parfaite… entente avec la famille qui nous héberge. Il s’agit en fait de Dada Agbavito la Grand-mère de Selom, l’une de ses tantes, une cousine, quelques enfants, des tisseurs de pagne traditionnel employés par un frère, et sûrement tout un tas d’autres personnes que je n’ai pas en mémoire à l’instant présent ou dont je ne connais pas l’origine familiale, même s’il est certain qu’ils en possèdent bel et bien une. Ils sont tous vaillants. Zieute les photos par-ci par-là, j’ai bien dû en placer quelques unes pour te donner idée de notre résidence. Bon il y a aussi des poules et leurs poussins, des chèvres qui son décidément partout, des moutons, et tout un tas de bestioles qui ont oublié leur nom. La zoophilie ne s’étant pas installée au pays, ils ne font pas vraiment partie de la famille. Mais les Togolais, accueillants même avec les animaux, les nourrissent et les loges en échange d’un service qu’ils leur rendront plus tard, probablement un jour où il fera faim.

Martine n’a rien inventé du tout. Le coup du petit agneau tout gentil qui suit maîtresse et fait quelques gaffes rigolotes, le coup de la poule qui élève ses poussins avec amour, le coup de la chèvre qui attend qu’on lui ouvre la porte et se laisse caresser, le coup des animaux nourris à la main en communion avec tout ce qui les entoure, ben tout ces coups là sont ici routine, paysage, décor. Aller rhabille toi Martine ! Et brosse toi au passage.

Me voilà donc chez Martine à la ferme, la vraie, prononcez Dada Agbavito, au milieu d’une grande famille, d’un grand village, d’un grand peuple, sur un grand continent. Et moi, ici et là, tout petit et tout blanc, je fais ma place.

1 petit et 1 petite de chez Dada.

Comme j’ai déjà du le mentionner, il n’y a pas vraiment de technicien agricole. En fait il y en a, mais beaucoup trop peu pour pouvoir se montrer partout où il le faut. Du coup c’est nous qui donnons un coup de pouce. L’objectif est de réaliser un diagnostic du territoire et des pratiques agricoles pour lancer un programme de vulgarisation. Nous faisons ça sur 2 villages, Agripatodzi dans un premier temps, puis Dzedramé. Il nous faut nous fondre dans la population, nous imprégner de leur travail, leur détresse, et de leurs joies afin de nous rapprocher le plus possible de leur vie. Il nous faut aussi nous balader un peu partout et nous immerger dans cette nature hostile et bien méconnue des pieds blancs, et dont les richesses fuient l’homme et le feu. Il nous faut encore affronter la pluie, la chaleur étouffante, les hordes d’enfants, les doléances d’un chef, les miséreux, les arrogants, les malhonnêtes, les heures de pistes impraticables, et enfin le temps.

En plein dialogue avec la chefferie de Dzédramé.

Si le travail est bien fait nous donnerons naissance à un diagnostic bien portant sur les aspects environnementaux, humains, et agricoles. Mais ce n’est pas tout, nous devons maintenant organiser l’aide aux populations. Il faut donc définir, étudier, détailler tout un tas d’actions, allant du montage d’un système de micro-crédits à la sensibilisation environnementale générale. Ces solutions pour les populations seront montés sous forme de planning et, n’ayant pas nous même le temps de nous pencher sur tout, pour la plupart repris par de futurs stagiaires.

Panorama sur une partie de leur village. Bon je sais c’est un peu petit, mais ici c’est un site internet…

 

 

La cascade.

Je devrais changer ce titre pour « Les cascades ».

Les cascades.

Voilà qui est fait. Enfin à ces cascades ! Il me sera bien difficile de ne pas te décevoir devant tant d’attente. Mais jouant de la carotte plus que du bâton, je peux te dire qu’une chute bien plus prodigieuse m’attend bientôt et finira bien par mouiller ici quelques mots.

Tu es maintenant à la ligne d’en dessous, commençons. Je te préviens, je serais bref.

Tu trouveras beaucoup de cascades au Togo, et particulièrement dans la région des plateaux. Ces reliefs n’étant parcourus que par de petits ruisseaux à la destinée incertaine, les chutes sont hautes mais pas spécialement très larges. En revanche la fraicheur qu’elle apporte est bel et bien le 2ème trésor de ces cascades, le 2ème effet Kiss Cool. En effet, pour retrouver ces bijoux cachés, il faut marcher à travers la jungle avec des dénivelés parfois difficiles, sous une chaleur torride. Toi qui connais les secrets de la coke a Cola tu es à même d’entrevoir ceux des cascades du Togo …

Parfois on y croise des adolescents ici pour jouer, certains de ces murs d’eau servent de lieux de culte, et dans tous les cas ils sont l’occasion pour mère nature d’étaler ses talents de créatrice et d’exposer sa végétation luxuriante. C’est pourquoi, ici, les photos prennent le relais des mots (qui sont bien épuisés il faut le dire, et s’essoufflent ainsi que mon inspiration).

 

Sous la grande cascade d’Agumatsa !

Il n’est pas toujours facile d’en trouver le temps, mais il me reste encore bien des mystères à t’élucider par mon séjour, par exemple ce qu’est le fufu, les mœurs d’une tronçonneuse sauvage, la vie dans mon prochain village de résidence, ou pourquoi pas quelques drames agricoles bien Togolais… mais patience, la précipitation pourrait enrayer ton sourire.

A bientôt Yovo !

Sylvain

LE TOMBEAU DES LUCIOLES

 

Pourquoi des papillons ? Parce que je suis certain que vous vouliez en voir !

En campagne le crépuscule donne naissance à deux royaumes illuminés. Dans le ciel dominé par une lune blafarde une peinture d’étoiles scintille au firmament, tandis que plus bas sur la terre le monde des lucioles virevolte et joue à cache-cache avec la nuit, tombeau de sa clarté éphémère.

Prisonniers de leurs chaines d’obscurité, ces messages morses luttent fébrilement pour un destinataire inconnu, comme autant de marins sous la furie éolienne chahutés par les gifles d’une mer d’obsidienne. Les Robinson de la nuit sont à nos yeux les diamants taillés des ténèbres et offrent à cette pauvre Agripa un ersatz de trésor fugitif.

Tout aussi éphémère, le fufu est un autre trésor du Togo, un trésor qui se mange. Chose importante, le fufu aime se prononcer foufou, sinon il se fâche tout rouge et croyez moi ça pique. Plat traditionnel prédominant dans la région des plateaux, il se partage avec les invités et les voyageurs. Il est aussi le plat principal pour la population, avec la pâte de maïs. Si tu veux préparer un bon fufu, il te faut un bon Igname, de bon bras, et bien entendu de bons invités. Tu dois éplucher l’igname et le couper en morceaux grossiers avant de le bouillir. Une fois bien cuit, met le dans un pilon et échauffe tes bras ! Dans un premier temps tu écrases l’igname doucement avant de le pulvériser à gros coups de mortier en rajoutant un filet d’eau de temps à autres. Le mieux est d’être à 2, 3 voir 4, et de pilonner en alternance dans un rythme frénétique proche de la démence ou de l’illumination. C’est pourquoi le fufu est ici une religion culinaire. Note que lorsque jésus fut monté sur la croix on ne lui avait pas demandé son avis, sache que l’igname n’a pas non plus choisis de se faire pilonner par 4 mortiers en furie. C’est de ce destin là que se chauffent les martyrs…

Voilà la pâte d’igname prête (parfois on remplace l’igname par un mélange de manioc et de banane plantain), il te reste à préparer la sauce, le sérum, dans lequel tu viendras tremper une boulette de fufu avec tes doigts avant de la jeter dans l’abîme œsophagique. Ces sauces, il en existe 4 ou 5, sont préparées à base d’eau, de tomate, d’oignons, de piments, de cubor, d’épinards ou autres légumes. Tu rajoutes ensuite de la viande, les plus courantes étant le mouton, la chèvre, la poule, le bœuf, ou le poisson séché. On trouve des viandes plus exotiques comme l’agouti, la chauve-souris, la vipère etc … bref tout ce qui te passe sous la main sauf les fourmis magnan, parce que les fourmis magnan c’est pas bon et surtout c’est très méchant.

Et le fufu fût !

A l’affut ! (ben quoi, ca rime avec fufu…).
De toute manière j’ai décidé que cet article serait agrémenté de bestioles, parce qu’on en voit beaucoup sur place mais assez peu dans les écris. Je répare donc une injustice

Puisque je t’ai parlé du plat traditionnel et que celui-ci est bien lourd, je t’offre en digestif quelques mots sur l’alcool traditionnel: le Sodabi (Togo-Gin). Si tu te souviens, c’est lui qui sert à laver les pieds des invités, les laissant ivres de joie d’être si proprement accueillis.

Le Sodabi est un alcool préparé à base de sève de palmier fermentée. Lorsque les palmiers sont trop grands pour l’exploitation des fruits, on les coupes pour en récupérer la sève pendant plusieurs jours. Cette sève peut ensuite être bue telle quelle (vin de palme) ou transformée en Sodabi. Ca c’est le vrai Sodabi. Le faux c’est de l’alcool à 90° mélangé à des trucs pas nets et macéré avec des plantes dont le nom ferait frémir une horde de douaniers en pyjama.

Seulement voilà, le Sodabi sert plus ou moins à tout (sauf à laver les bébés), et entre autre à se soigner. Le grand truc ici c’est d’y faire macérer diverses plantes et racines, respectables cette fois (les douaniers peuvent dormir tranquilles), pour donner à notre breuvage préféré un goût unique, une couleur funky, et surtout une vertu thérapeutique voir aphrodisiaque. Dans tous les cas, le Sodabi est très bon pour soigner la sobriété.

Je veux soigner tes papilles l’ami, alors voici en guise de dessert une liste des petits plaisirs Togolais:

– On entend (presque) pas parler de Sarkozy !
– Les mangues, les ananas, les bananes, et même les cacahuètes sont délicieuses !
– L’amabilité des gens. C’est certain, on n’est pas à Paris …
– Dans certains villages les Togolaises sont vraiment sublimes …
– Les paysages. Là encore les photos prennent le relais des mots.
– Le plaisir de sortir d’un taxi dans lequel vous étiez entassés à 10 personnes plus 3 poules pendant 2h … mais ca c’est une prochaine histoire.
– De magnifiques photos à faire avec des tas de bestioles étranges.
– Le fufu, c’est bon. Il y a quelques spécialités vraiment délicieuses.
– La pluie sait se faire apprécier, ca change un peu.

Mais voilà aussi les manques pour un yovo comme moi:
– Le Kebab de saint Michel à 5h du matin, ou encore le Mcdo du lendemain.
– Le saucisson, le pâté, un petit vin blanc, le Rocamadour, le fromage basque, une bonne salade tomate/Mozza, les Balistos, la tartiflette, enfin tous ces trucs indispensables et inutiles à la fois …
– Internet, je veux dire le vrai internet. Comme quoi il n’y a pas que la bouffe, il y a le PC aussi !
– Le climat Messin. Non je blague. Tien ben justement les blagues ca me manque !
– Rock and Roll !!! Les musiques africaines sont plaisantes mais je me demande parfois s’il en existe plus de 5.
– Ne reconnaître personne dans le noir … c’est idiot mais c’est pénible.
– A force d’en manger le fufu sait se faire détester …
– Tout est long à cicatriser et les complications sont légions. Un petit bouton de moustique peut facilement vous donner un abcès monstrueux s’il n’est pas surveillé.
– Globalement le manque de variété dans la nourriture. Qui à dit que je faisais que parler bouffe ? J’ai aussi parlé PC et jolies filles !

Alors, que dis-tu de ce repas ?

Cette guêpe ne nous a pas attendue pour prendre le sien (mais l’intérêt ici c’est la fleur)

Quelques mots enfin sur le sourire de l’Afrique: tel est nommé le Togo, et un nouveau stagiaire est ici un nouveau sourire. Mais il est aussi dit que les dentitions éclatantes font des sourires magnifiques. Moralité: pour que le sourire de l’Afrique reste le plus beau du monde, il faut bien se laver les dents.

le sourire de l'Afrique

Jeannette vous dit au revoir !

Sylvain